Avant (que) l'automne
Ce fut un bel été, malgré tout.
Avec des rires, des tablées d'amis, des bains de minuit.
C'est le dernier, j'ai souvent pensé.
Une sorte d'intuition, ou juste de la peur ?
Et puis le dernier quoi ? Eté tempéré ? En paix, le dernier avant la guerre ?
Ou le dernier avec lui, dans cette maison que j'aime tant ? Je ne sais pas.
Mais ça les rend d'autant plus précieuses, ces belles heures.
Je me souviens de ma grand-mère, soupirant tristement devant une photo prise
quelques années plus tôt : « C'était le bonheur et on ne le savait pas. »
Ça m'a servi de leçon.
J'essaie toujours de le repérer quand il passe, même discrètement,
même sans que ce soit spectaculaire.
Je sais qu'il n'est jamais parfait, tout d'un bloc, force 10 à tous les compteurs.
Qu'il se faufile parfois dans les interstices entre les soucis, qu'il peut se camoufler
en ennui quand tu ne fais même plus gaffe à tout ce qui t'es donné,
à tout ce que tu pourrais perdre.
Il était là, cet été.
Un peu partout comme ces fleurs que j'ai plantées dans tous les coins
et qui ont semblé s'y plaire.
Il était là le matin quand je partais bosser en même temps que le soleil qui attaquait
sa journée en déployant majestueusement ses voiles roses.
Il était là l'après-midi, sous l'ombre du grand tilleul et dans l'eau fraîche du bassin.
Il était là le soir, autour de la grande table presque trop petite,
il était là la nuit, contre sa peau douce.
Il était là aussi dans l'accélération de mon cœur quand il y avait un (1) dans la boite
de réception où Il est le seul à m'écrire.
Il était là tous les jours, sans tambour ni trompette,
fragile et tenace comme les ipomées.
Un bel été, oui.
Le dernier avant la fin du monde.
(...Ou en tout cas, qui serait digne de l'être.)