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vilaine fille **
3 octobre 2016

Il ne viendrait pas, donc.

2224408

 

Il ne viendrait pas, donc.

J'ai eu la tentation de prendre ma voiture et de filer en ville, ou de trouver vite-fait un rendez-vous sur internet. Je n'étais pas assez attirante pour lui mais d'autres voudraient de moi, peut-être. Une bonne salope en bas résille, maquillée comme une pute, chaude comme de la braise, ce serait dommage de gaspiller, non ?

Je ne méritais rien d'autre. Je n'étais qu'une pathétique femelle idiote qui croyait encore au Prince Charmant des Tourments, qui l'avait guetté toute la journée par la fenêtre de son donjon, scrutant la route du nord au sud, persuadée qu'il allait surgir au galop sur son fier destrier pour venir me faire subir les pires outrages alors qu'il n'avait jamais eu l'intention de bouger de chez lui ni de me rejoindre. Je m'étais prise pour une princesse capable d'être désirée à ce point-là par un homme comme lui, je méritais des claques d'avoir été si orgueilleuse et stupide.

Des claques et des mots sales, du mépris et de la brutalité.

 

Le coucher de soleil était flamboyant. J'ai mis ma vieille veste par dessus ma tenue légère et je suis allée dehors contempler le ciel sur le chemin de terre qui longe l'écran géant en technicolor où chaque soir, le spectacle est différent.

Il faisait doux, j'ai marché lentement. Triste mais peu à peu apaisée, enfin libérée des tensions de la journée, de toute cette joie, de toute cette peur, et de ce fichu téléphone que je n'avais pas quitté des yeux de 8 à 17 heures. Pauvre idiote.

 

Je me suis revue sur ce même chemin, plus tôt dans la journée. Il était midi et j'étais prête, il pouvait me téléphoner ou même arriver, il ne me prendrait pas en défaut. Parce qu'avec lui, hein, la moindre erreur ou le moindre oubli peuvent servir de prétexte à représailles, on le sait bien. Alors quoi qu'il fasse, quoi qu'il ait décidé, j'étais parée à toutes possibilités.

Prête à sauter dans ma voiture pour le rejoindre dans un hôtel des environs.

Ou dans un coin de forêt, ou dans une cabane abandonnée. Mon GPS m'y conduirait.

Prête à le recevoir ici, s'il préférait.

Prête à discuter avec lui de choses intelligentes ou à me taire et m’agenouiller.

Prête à me déshabiller n'importe où devant lui.

Prête à le sucer, à avaler sa queue jusqu'à pouvoir lécher ses couilles qui sentiraient encore le cuir chaud.

Prête à lui faire face, s'il exécutait sa menace de me prendre ainsi dès le début, la prochaine fois. Au plus étroit et les yeux dans les miens. Il pouvait venir, c'était prêt ici aussi, tel qu'une bonne catin se soucie que ce soit. Et cette fois, le gel serait à portée de sa main.

Prête à soutenir son regard quand ça fera mal et que je ne crierai pas, et quand il murmurera laissez-moi passer, ne résistez pas. Vous voyez, lui diraient mes yeux, je vous obéis. Je suis à vous, je n'ai pas menti.

J'étais prête, quoi.

Fallait pas me le dire deux fois.

Il serait épaté que j'ai pensé à tout, peut-être. Ou contrarié que je ne lui offre pas un prétexte facile pour me torturer encore avec ses sangles. Car il en était capable aussi, de me punir pour ça.

 

 

C'est vers seize heures que j'avais commencé à douter, et à dix sept que j'avais reçu confirmation que non, il ne viendrait pas. J'avais mal compris son premier message, oui, sans doute, ça devait être ça. Il était désolé de ce malentendu. C'est pas grave, j'avais répondu sans réussir à ne pas faire trembler ma voix.

 

 

 

Le soleil avait presque disparu, ne laissant qu'une bande rouge au ras de la plaine, et j'ai rebroussé chemin vers la maison qui se détachait au loin en ombre chinoise.

Je savais déjà que je n'irai nulle part, ce soir.

J'allais me déshabiller, ôter mes bas et mon corset et les remettre dans cette malle qui retournerait au fond du placard. Avec le gel et les capotes, et mon collier. Je n'irai pas rôder sur des sites pour trouver un autre homme à qui offrir tout ça.

Rien à foutre, des autres hommes.

C'est peut-être ça la fidélité ? je me suis dit. Ne pas avoir de plan B. Ne pas être capable d'en désirer un autre, même juste le temps d'une nuit, même juste pour se venger ou s'amuser. Préférer la solitude à une mauvaise doublure.

J'étais triste mais sereine, au fond. Apaisée, rassurée d'avoir changé. D'avoir mes démons dominés ?

 

Un message de lui était arrivé.

Gardez votre tenue de catin.

Et faites-vous jouir pour moi, ce soir. Trois fois.

Trois comme vos orifices à ma disposition.

Trois comme la nature des fluides dont je vous honorerai, vous éclabousserai, vous souillerai.

Trois comme le nombre minimum de pages que vous m'écrirez pour me rendre compte.

Trois comme trois photos à joindre à vos courriers.

Dégustez vos orgasmes, ma jolie. Installez-vous confortablement, sans meurtrir sur le sol vos genoux délicats, sans vous brûler les cuisses à les tenir écartées, sans plier vos bras en arrière, sans vous tordre le cou pour que votre bouche soit à la bonne hauteur.

La prochaine fois, vous savez bien que ce sont des agréments dont vous ne disposerez pas.

Je ne suis pas avec vous ce soir,

mais vous n'êtes pas seule.

Ce bout de corde rêche qui serre votre cheville, l'avez-vous oublié ?

N'allez pas rôder, je vous surveille. Même de loin, même si je n'en ai pas l'air, comme ça. Je veille sur vous, qui m'appartenez.

Offrez-moi ce désir qui vous embrase et vous huile la fente.

Offrez-moi votre corps paré pour me séduire, vos jambes gainées de noir, votre taille étranglée, vos yeux noircis, votre bouche fardée.

vous êtes mienne. Ma pute particulière, préférée, réservée.

Jouissez pour moi.

Je tiens votre main.

 

J'ai eu un demi-sourire tandis qu'une sorte de courant chaud se déployait dans mon ventre. Il me connaissait bien et il savait y faire, le Salaud, l'Infâme et Merveilleux Salaud. Deux trois mots bien choisis et pim-pam-poum les nuages éclataient, le ciel changeait de couleur. Et on effaçait l'ardoise, la grisaille, la tristesse, les heures d'attente, la déception. Et au bout du compte ce serait presque à moi de le remercier vous verrez, je me disais. Mais j'admirais. Et je dégustais, chaque mot important, je le lisais et les relisais et m'en délectais.

 

Il suffit de si peu pour changer le sens des instants que l'on vit.

Ou pour leur en donner un, tout simplement.

Il suffit d'un rien. D'un « autre » qui te comprend, qui juste qui te renvoie un biip qui te signale que tu n'es pas toute seule dans le grand ciel sombre.

 

C'est magique, je me disais. « Qu'un seul être te croit et le monde sera changé. »

D'où venait cette phrase que j'avais déjà entendu ? me suis-je demandé en fouillant mon esprit.

« La foi est plus belle que Dieu », venait ensuite.

Ma mémoire s'est soudain réveillée. Nougaro, « Plume d'Ange. »

 

La foi est plus belle que Dieu... J'étais d'accord.

Et j'en avais eu la preuve, aujourd'hui encore.

J'y avais cru, à ma belle histoire.

Je l'avais entendu cent fois au loin, le bruit de son moteur. Je l'ai vu briller au soleil, le reflet de son casque. Je l'ai sentie, l'odeur de son cuir, et celle, enivrante, de son cou quand il m'a laissée m'approcher et le respirer comme on retrouve vie.

Il a enserré ma taille, il a tiré mes cheveux, j'ai ouvert la bouche sans baisser les yeux.

 

Je l'ai ressentie ce jour-là, cette joie sauvage de lui appartenir,

cette honte d'être prête à prise sur un seul ordre, un seul souhait sous-entendu dans la perspective imprécise d'une rencontre probable.

Se préparer et se tenir prête, même s'Il ne vient pas, ça fait parti du contrat.

C'est son droit.

N'est-ce pas ce que je voulais, n'est-ce pas aussi ça, être sienne ?

 

 

J'ai fermé les volets de la maison puis j'ai mis un disque, allumé quelques bougies.

Puis je me suis assise, le dos droit, les pieds bien campés dans mes talons aiguilles,

et j'ai ouvert les cuisses.

Ce serait la première photo. Avec un regard provocant, un peu en colère aussi mais qui cède quand même, qui ne peut qu'admettre que c'est lui qui commande.

 

 

La nuit serait longue.

J'allais lui obéir, bien sûr.

Prendre mon temps, déguster ce triple cadeau qu'il me faisait. Cette liberté qu'il me laissait pour imaginer comment j'allais jouir trois fois en m'exhibant à lui.

 

Merci, j'ai lui ai dit, pendant que l'appareil photo imaginaire faisait clic-clac.

Voyez comme ça luit, entre mes cuisses. Voyez comme mes yeux brillent.

 

Que ce soit réel ou pas, qu'est-ce que ça change ?

Ce que vous m'offrez n'a pas de prix.

Tant pis si je passe ma vie à vous rêver, vous désirer, vous attendre en si souvent en vain.

 

La foi est plus belle que Dieu.

 

 

 

 

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Commentaires
S
Vous m'avez embarqué. Dès les premiers mots. Merci.
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R
Croyez bien que je ne le dis pas souvent, à mon plus grand regret, mais vous... vous, je vous aime. :-) Je prends encore et toujours le même plaisir à vous lire.
Répondre
vilaine fille **
vilaine fille **

- Débauchée, luxurieuse, corrompue, déréglée, voluptueuse, immorale, libertine, dissolue, sensuelle, polissonne, baiseuse, dépravée, impudique, vicieuse. Me baisant la main avec une feinte dévotion. - Et malgré tout ça, je veux qu'on m'aime. (Calaferte)
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