réflexions réfléchies

En pleine action, Il m'a déplacée face au miroir.

Et il m'a donné l'ordre de ne pas baisser la tête, de ne pas fermer les yeux.

Et de ne pas le regarder, Lui.

 - Regarde-toi, toi. Dis-moi ce que tu vois.

Quissa ? Oussa ? Cette folle avec un collier de chien ? Faudrait lui dire que son mascara a coulé, que son rouge à lèvre a bavé. Que son air hagard ne l'avantage pas, non plus. On dirait une illuminée. Une égarée.

 - Je... je vois une.... une...

Il imprimait son tempo de plus en plus rapide, et ne m'aidait en rien. Et que ça ballottait ici, et que ça clapotait là, et que les râles d'animale te sortaient de ma gorge sans que je puisse les filtrer à mesure qu'il enflait et coulissait plus vite et de plus en plus loin.

Mes yeux ont accroché les miens.

Se sont regardés, pour de vrai.

Comme ça arrive parfois dans la glace de la salle-de-bain,

ou dans la voiture quand on est bloqué dans un bouchon, moteur arrêté, et qu'on fait tomber le pare-soleil.

Ce genre de regard-là.

Quand tu peux pas te défiler. Quand ton toi fixe ton moi et te dit salut ma vieille, quelles sont les nouvelles ? Il y a longtemps que je n'aie pas vue, dis-donc, tu cherchais à m'éviter ou quoi ?

Présentement ils vacillaient, mes yeux.

Oh putain que c'était bon.

Mais quelle honte, mon dieu.

Mais quel plaisir sublime puisque venant de Lui,

si beau, intelligent, convoité...

.

Espèce de snobe, ils me disaient aussi. Comme si ça changeait quelque chose si c'était un moche illettré,

comme si ça t'excusait qu'Il soit unique et plein d'esprit,

comme si ça changeait quelque chose au fait qu'il soit en train de...

de te...

Ils se sont écarquillés sous la puissance de la nouvelle vague,

puis plissés, un peu,

éclairés d'une lueur... diabolique. Mais avec de la joie dedans.

Ange et démon en fusion.

Parce que oui, évidemment. Ça changeait tout.

Le fait que ce soit un Prince qui me rabaisse.

L'orgueil qui perlait, huilait, transformait l'épreuve en récompense.

Le luxe inouï de pouvoir ramper sans se salir.

 - Une quoi...? il a demandé en se vissant à moi avec une lenteur et une précision perfides et merveilleuses.

Il m'avait fallu des années pour le comprendre, l'admettre, le vérifier.

Pour tenter en vain de sombrer dans la facilité des hommes simplement brutaux et disponibles, si aisément manipulables pour peu qu'on ratisse large et par le bas.

Mais toujours il avait été là,

tissant ma laisse de quelques mots rares et choisis,

hissant et compliquant ma quête,

m'offrant sans cesse des raisons tendres, vicieuses et raffinées de le préférer.

Quelques heures dans toute une vie.

Il m'avait fallu des années pour comprendre que ça comptait plus que des bassins de boue, des regards vides et fous, des fièvres sales et immédiates.

Même pas une question de morale... juste l'évidence de mon corps qui tremble et s'écarquille, de mon âme qui s'électrise et se prosterne.

- Une catin heureuse, j'ai dit.

Comments

[DIABLOTIN35]

Magnifique texte. Qui me rappelle tellement les chevauchées avec ma diablotine. Nous avons aussi un blog: les diablotins35. Vous écrivez merveilleusement bien. Bonne jouissance et profitez de la Vie, elle est trop belle.

[Raphaël]

juste :

:)

[Stan E]

PS: Et quelle belle photo !

[Stan E]

J'aime beaucoup ce texte. Merci. pour le ressenti et les mots qu'on peut facilement apparenter à notre propre histoire pour peu qu'on partage quelques fantasmes un peu hors du "commun".....